Pour atteindre une vérité indubitable, il est impossible de trouver des preuves : toute preuve demanderait à être prouvée, et on retomberait dans ce que les sceptiques nommaient « une régression à l’infini » C’est pour cela que Descartes emploie une autre méthode il faut soumettre cette vérité au doute, mais pas à n’importe quel doute, pas à un doute simplement « raisonnable », il faut soumettre cette vérité à tout doute possible. D’où la formule de Descartes  énoncée dans la 3ème partie du discours de la méthode : « je pensais qu'il fallait [...] que je rejetasse comme absolument faux tout ce en quoi je pourrais imaginer le moindre doute ». C’est ainsi un doute radical, provisoire et volontaire qui va être entrepris. C’est aussi un doute hyperbolique, car, comme le montre la citation précédente, c’est l’imagination qui va servir de norme au doute, c’est-à-dire que l’on va chercher  une  vérité qui résiste à toute l’extravagance que ma raison pourra produire.

C’est par les sens que commence Descartes, parce que, de fait, c’est ce en quoi nous faisons le plus spontanément confiance. Bien sûr je sais que pour ce qui est éloigné, des illusions sont toujours possibles, mais pour ce qui est proche, je ne pense pas pouvoir douter : par exemple que je suis en train de faire ce que je fais dans l’endroit où je me trouve. Seuls des fous, et il est peut-être dommage que Descartes s’en tienne à la seule évacuation de ce problème) peuvent croire qu’ils ont, par exemple un autre corps que le leur « un corps de verre ».

Mais il se trouve que je dors parfois et que je rêve. Or dans le rêve j’éprouve de façon aussi intense que lorsque je suis éveillé. Je n’ai pas, dit Descartes, d’indice assez certain pour distinguer le rêve de la réalité. Je peux imaginer que je rêve. D’ailleurs on peut illustre le propos de Descartes par des exemples clairs : certains auteurs de fiction ont imaginé des situations où des personnages vivaient des vies hallucinées. Le film Inception de Christopher Nolan en est un exemple parmi d’autres.

En fonction même du principe que nous avons accepté plus haut, toute notre perception est à rejeter comme fausse.

Il reste que, si la composition des éléments peut être complètement bouleversée, comme dans le rêve, des éléments doivent exister. Je peux bien imaginer un lion à tête de femme, il doit cependant bien exister des lions et de femmes. On peut même considérer des éléments plus simples et plus universels qui, eux, doivent exister, comme les figures par exemple. Et c’est ainsi que, même si je doute de toute ma perception, il ne me semble pas pouvoir douter de ma logique touchant ces figures simples. Ainsi que je dorme ou non, un carré aura toujours quatre côtés.

C’est là que Descartes dépasse la science-fiction. Il imagine un « mauvais génie » qui emploierait toute sa puissance à me tromper. De telle sorte que je serais dans le faux chaque fois que je croirais être dans le vrai.

Il n’en resterait pas moins vrai que je serais « il ne serait faire que je ne sois rien tant que je penserais être quelque chose ».

Nous atteignons alors la vérité indubitable : « cette proposition, je suis, j’existe, est nécessairement vraie, toutes les fois que je la prononce ou que je la conçois en mon esprit. » Descartes Méditation seconde.