Cette notion de permanence et d’unité du sujet s’enracine dans la métaphysique, et surtout chez Descartes, où il semble évident, que « je suis une chose pensante ».

De fait cette conception semble rejoindre le sentiment populaire pour lequel il y aurait une unité fondamentale du sujet, et que les variations  ne seraient jamais que les variations d’un même sujet. C’est tout le paradoxe de l’expression « j’ai changé » qui montre bien que c’est toujours moi qui ai changé, et que donc, fondamentalement, l’être demeure, il ne fait qu’évoluer.

Cette conception, par ailleurs respectable peut cependant être mise en doute par plusieurs arguments :

Un argument ethnologique tout d’abord : cette conception de l’unité du sujet dépend de culture où la conscience du sujet est première, où l’unité est grammaticalement affirmée par le sujet « je ». « Nous croyons à la métaphysique parce que nous croyons à la grammaire » disait Nietzsche. Cependant dans certaines cultures les individus connaissent une rupture, marquée par un rite de passage, entre l’enfant et l’adulte. Il est  alors dit  « l’enfant est mort, l’homme est né ». L’unité du sujet semble là bien discutable.

Dans les cultures qui marquent une considération du sujet, on peut également considérer que le sujet a une naissance, qui n’est pas contemporaine à celle de l’individu. Le sujet ne devient tel que lorsqu’il est capable d’effectuer une synthèse dans la diversité de ses représentations. C’est le fait de dire « je » qui marque cette aptitude. Auparavant dit Kant, l’enfant ne faisait que se sentir, désormais il se pense. 
Ainsi le sujet ne serait pas une substance, permanente et indiscutable, un être au sens fort, il serait  plutôt une fonction, celle de ramener la diversité de nos représentations à l’unité d’un sujet.

D’ailleurs, on peut constater malheureusement la dilution du sujet dans la perte de facultés de synthèse consécutives à la mémoire. En effet, sans parler des pathologies mentales exceptionnelles, il arrive fréquemment qu’avec l’âge les individus perdent, avec leurs facultés mémorielles, toute aptitude à la moindre synthèse. Le sujet semble alors se dissoudre, et, si nous avons toujours affaire à une personne au sens juridique et moral, nous n’avons plus affaire à quelqu’un.

Mais par l’analyse de la structure même de la conscience nous pouvons établir la difficulté d’une permanence du sujet. 
En effet, comme le dit Hegel, l’homme parce qu’il est esprit a une double existence. La conscience introduit donc une fracture dans le sujet par cela même qu’il est un sujet pensant. En effet il se voit être, et le fait de se contempler altère ce qu’il est. Dans ce sens alors, il ne peut jamais être véritablement. C’est ce qu’exprime Sartre par cette parole : « L’homme est ce qu’il n’est pas et n’est pas ce qu’il est ».