PLATON

(428 - 348)

 

Particularité de son oeuvre : Fait référence à un personnage central qui n’a jamais écrit.

Difficulté : place la dialectique au sommet de toutes les sciences et cependant s’exprime principalement par des images et des allégories.

Refuse en grande partie la place de l’art dans la cité est confère à son oeuvre une indéniable dimension poétique.

C’est donc une oeuvre qui si sa forme dialogique permet un accès facile et agréable, présente difficultés d’interprétation.

 Le personnage lui même de Platon est mal connu :

Famille d’aristocrate, place d’ailleurs sa famille dans ses dialogues : Adimante et Glaucon sont ses frères aînés.

Mais la plus importante rencontre est Socrate :

Socrate personnage central, n’a jamais rien écrit. Il représente pour Platon l’idéal philosophique de rigueur intellectuelle et de perfection morale.

Comme tout Aristocrate Platon se destinait à la politique, et lors de la tyrannie des trente citoyens mis en place par Sparte ( 404 ) Platon croit à une possible oligarchie. Mais la condamnation de Socrate par la tyrannie, se condamnation à mort (399) par la démocratie revenue ( 403) le convainquent d’abandonner la politique :

La condamnation par la démocratie de Socrate convainc Platon qu’une cité capble de juger son existence incompatible avec celle d’un homme préférant mourir que de transgresse ses lois est totalement détériorée dans ses institutions comme dans la qualité morale de ses citoyens.

Il y a donc nécessité à poser le problème politique : comment éduquer les citoyens et organiser l’état pour que des hommes sachant ce qu’est la justice ( condition nécessaire à sa pratique) puissent y vivre, mais aussi pour que leur savoir soit reconnu et leur donne effectivement autorité.

- Les interlocuteurs de Socrate : Les sophistes. Pas de généralisation possible, les interlocuteurs de Socrate représentent tous les courants de pensée grecque.

Cependant l’art sophistique consiste lui même en un art de la parole en une technique pour entraîner l’adhésion

 

 

 

I LES ESSENCES

 

1)    Description 

Les essences sont les idées séparées du monde livré à la sensation variable et mixte:

            * A la fois lui même et son contraire : ce qui est beau n’est jamais uniquement beau mais aussi un peu laid

*Soumis au temps, une fois ceci et une autre fois cela.

Les choses « que l’on peut toucher » « ne sont jamais les mêmes ni par rapport à elles mêmes ni par rapport aux autres choses » Phédon 189e cf. l’anecdote de l’eunuque borgne et de la chauve souris

Les idées sont elles toujours identiques à elles mêmes et uniquement elles mêmes :

«  le beau en soi, chaque chose en soi, autrement dit l’être réel admet-il jamais un changement quel qu’il soit » Ibid. 

 

 

 2) leur nécessité pour la pensée

Les idées sont les seuls objets adéquats à la pensée : Les objets sensibles n’offrent aucune base stable : comment penser, définir, ce qui n’est jamais totalement soi ou jamais constamment soi : ( c’est pour cela qu’il est difficile de dire ce qu’est tel homme particulier)

C’est ce qu’explique Platon dans le cratyle où il s’oppose à un disciple d’Héraclite partisan du mobilisme universel. «  De connaissance non plus il ne peut être question, Cratyle, si tout ses transforme et rien ne demeure. »

 La théorie de Platon consiste donc à nous faire aller de la multiplicité changeante du sensible à l’unité intangible de l’idée.

 

 3) Une question : la possibilité de ce mouvement :

Platon répond par le mythe à cette question

Si nous avons accès aux idées, si par la réflexion nous pouvons contempler les essences, y avoir accès, c’est que déjà nous les avons contemplé et que nous ne faisons jamais que nous en ressouvenir :  «  Cet acte [ le mouvement de la multiplicité vers l’unité ] consiste en un ressouvenir des objets que, jadis, notre âme a vus, lorsqu’elle s’associait à la promenade d’un dieu »  Phèdre

Cf. aussi dans Le Ménon la redecouverte par l'esclave de la façon dont on double un carré.

 Un des problèmes majeur de Socrate va donc être de faire accéder les hommes à la contemplation de ces idées, autrement dit à la réflexion. La pensée de Socrate est donc inséparable d’une éducation, et c’est en donnant cette éducation qu’il a été accusé de pervertir la jeunesse .

 

II L’EDUCATION

 

 Toute la démarche est représentée dans un texte synthétique : l’allégorie de la caverne

 

 1) nécessité : la sortie de l’opinion

Le plus bas niveau de connaissance n’est pas l’ignorance, mais l’ignorance qui s’ignore elle même, c’est de cette ignorance première que Platon veut délivrer ses contemporains.

Cela explique le dialogue : Même si Platon place la connaissance comme une des choses les plus importantes, Socrate, lui privilégie la conscience cf. le « je sais que je ne sais rien » dans l'apologie de Socrate comme revendication non d’un savoir mais d’une conscience.

 

 2) le dialogue

Le dialogue confronte l’individu à l’inanité de sa propre opinion : Exemple : Lorsque dans le livre I de la république Socrate demande à Polémarque ce qu’est la justice celui ci répond que c’est rendre à chacun ce qui lui est dû, le bien à ses ennemis et le mal à ses amis.

Socrate lui fait alors remarquer que sa définition est incomplète : on peut se tromper sur ses amis, il serait mieux de dire qu’il faut faire le bien aux bons et le mal aux méchants, définition encore bien incomplète.

-          Dans cette étape prend place l’ironie de Socrate : pas moquerie mais agressivité de la démarche : la confrontation avec les contradictions et la remise en cause du confort intellectuel sont des armes. Dans "Le Ménon" Ménon compare Socrate à une torpille, le poisson qui paralyse parce que l'interlocuteur n'est plus capable de parler.

Cependant la méthode de Socrate n’est pas une méthode sophistique, il ne s’agit pas simplement de gagner dans un débat. Un tel combat est stérile il laisse inchangée l’opinion de son interlocuteur. Socrate ne cherche pas à produire l’acquiescement d’un auditoire mais la recherche de la vérité avec son interlocuteur. « Si je ne te produis pas, toi tout seul comme témoin, j’estime n’avoir rien fait qui vaille pour mener à terme notre débat » Gorgias 472c

-          Au contraire, l’aiguillon Socratique a pour fin une remise en question par l’individu lui même de son opinion antérieure.

-          L’éducation de Platon n’est donc pas la transmission d’un savoir c’est une conversion, dont celui qui apprend doit aussi être acteur "L’éducation qu'on impose de force à l'âme n'y reste pas." République VII 536d

-          Socrate ne se disait pas pédagogue mais accoucheur d’âme, dans Le Théétète, en référence à sa mère sage femme la métaphore de la vision est constante pour expliquer cette conversion : il s’agit de consacrer son intelligence à déterminer ce que sont véritablement les choses, à ne plus les confondre à aller vers leur définition

 

3) La pensée comme dialogue intérieur

Le dialogue est donc aussi un dialogue intérieur : La recherche personnelle philosophique est un dialogue dans lequel on confronte les différentes significations où on les « frotte les unes contre les autres » pour permettre de dégager la signification précise.

Exemple : comparer la justice à l’égalité et à la mesure pour comprendre en quoi ces concpts se ressemblent et en quoi ils se distinguent. «  penser c’est «  un discours que l’âme se tient à elle même sur les objets qu’elle examine ». Théétète

Le but ultime du parcours : la contemplation des essences.

C’est le but de la dialectique qui s’oppose donc à l’opinion mais qui s’oppose également à la connaissance scientifique : la mathématique raisonne sur des hypothèses et des images, alors que la pensée philosophique se dirige vers l’Anhypothétique, ce qui ne suppose aucune condition.

 

4)  L’idéalisme Platonicien

Les idées sont plus réelles que les choses sensibles qui n’en sont que des exemplaires

Il y a donc dans une certaine mesure un refus de la réalité sensible, la recherche d’une évasion et aussi un refus du corps.

Notre âme est ce qui nous rend capable d’accéder aux idées, mais ce qui l’en empêche c’est notre attachement au sensible par l’intermédiaire du corps ( jeu de mot corps et tombeau )

Il faut alors « purifier l’âme »Phédon ce qui veut dire « la séparer le plus possible du corps » ibid voilà pourquoi «  philosopher c’est apprendre à mourir » ibid

 

III LA CONCEPTION ESTHETIQUE

 

A) Le beau et l’amour

La compréhension du beau est inséparable chez Platon du sentiment qui fait que

l’on s’attache au beau : l’amour. L’amour est ce qui permet d’emprunter la voie dialectique qui permet d’accéder à la réalité intelligible.

L’amour permet en effet d’abord de s’attacher à un beau corps, ensuite de considérer la beauté qui peut être présente dans tous les beaux corps, de là il en viendra à aimer la beauté dans les âmes pour considérer la beauté qu’il peut y avoir dans les actions et dans les conduites enfin ne considérer que la beauté absolue

Les esthètes sont alors des amoureux qui comprennent l’unicité de la beauté alors que l’amoureux ne s’attache qu’à une manifestation particulière.

 

B) Dangers de l’art

 

1) son statut ontologique

Cependant cette valorisation de la beauté est mise en parallèle avec les dangers que peut représenter et son statut par rapport à la réalité intelligible :

En tant que reproduction des réalités l’art est déconsidéré : Les objets particuliers sont déjà des exemplaires de l’idée, la reproduction d’une reproduction a donc une réalité encore moindre.

 

2) son aspect pédagogique :

- Les mythes racontés par les poètes présentant les héros et les dieux commettant des actes contraires à la vertu risquent de constituer un mauvais exemple

- Les lamentations des personnages poétiques concernant la mort risquent d’engendrer la peur dans l’esprit des enfants et donc de générer une possible lâcheté.

En général la poésie qui entraîne un jeu entre l’apparence et la réalité, la musique qui est susceptible d’exacerber les sentiments et donc de nuire à la parfaite maîtrise de soi qui est l’un des buts essentiels de l’éducation sont valorisés ( le poète est «  homme divin » ) mais rejetés comme néfaste à une éducation.

On voit que toute l’esthétique Platonicienne est en fait subordonnée à une pédagogie, elle même fruit d’une éthique.

 

IV L’EHTIQUE

 

L’éthique Platonicienne va avoir pour fondement d’opposer à la réflexion cynique psychologique des sophistes la réflexion eidétique du métaphysicien :

Les sophistes attaquent la morale en réfléchissant sur son origine psychologique Platon va les considérer comme des valeurs en soi indépendantes du problème de leurs origines.

concernant les valeurs, elles sont préexistantes, le bien n’est pas à faire, il est à suivre, il n’y a pas ce qui est bon pour l’homme et ce qui est mauvais, il y a le bien en soi, ce n’est pas l’homme qui est la mesure de toutes choses, et notamment de ce qui lui convient, « c’est Dieu qui est la mesure de toutes choses » Lois

 

A Critique Sophistique

 

1) Réflexion sur l’origine des lois et des valeurs

Le plus dangereux et le plus radical des sophistes, Calliclès, considère que si les lois protègent les faibles c’est parce qu’elles sont faites par eux. «  La loi est faite par les faibles et par le grand nombre. C’est donc par rapport à eux mêmes et en vue de leur intérêt personnel qu’ils font la loi et qu’ils décident de l’éloge et du blâme. » Platon Gorgias

- Loi = instrument idéologique des faibles pour s’imposer aux forts.

- Discours idéologique des faibles : la supériorité est injuste et laide.

Ne pouvant eux même s’élever au dessus des autres ils condamnent l’élévation elle-même. 

«  voilà pourquoi la loi déclare injuste et laide toute tentative pour dépasser le niveau commun, et c’est cela qu’on appelle l’injustice » Platon Gorgias

 

 

2) opposition de la loi positive et des faits

Les faits eux admettent la supériorité du fort sur le faible et la nature en montre des exemples. La vraie justice et celle qui permet au plus puissant d’obtenir ce qui lui revient : la supériorité.

«  La nature elle-même nous prouve qu’en bonne justice celui qui vaut plusdoit l’emporter sur celui qui vaut moins (...) Elle nous montre partout, chez les animaux et chez l’homme(...) qu’il en est bien ainsi, que la marque du juste, c’est la domination du puissant sur le faible et sa supériorité admise » Ibid

Toute la justice des lois consiste à réprimer la force du fort l’empêcher d’être ce qu’il est.

 

 3)  démonstration par un mythe

Le mythe de Gygès et l’invisibilité Glaucon, dans la république montre que l’obéissance aux lois n’est pas l’effet d’une volonté mais la simple impuissance à commettre l’injustice et à s’élever au dessus des autres hommes  

 

4)Conséquence nécessité de laisser la force s’exprimer :

En opposition au devoir socratique le sophiste prône alors un développement de la puissance du fort : «  Il faut entretenir en soi même les plus fortes passions au lieu de les réprimer, et à ces passions, quelques fortes qu’elles soient, il faut se mettre en état de donner satisfaction par son courage et son intelligence ». Gorgias.

 

 

 B réponse de Platon

 

 La tripartition de l’âme : Il est en chaque homme 3 parties : Le nous le thumos et l’épithumia Chaque partie permet à l’homme de remplir des fonctions différentes.  La justice consiste à faire en sorte que chaque partie remplisse la fonction qui est la sienne, autrement dit que commande la partie en l’homme qui doit commander. L’homme injuste est avant tout un être déséquilibré en qui commande ce qui devrait obéir : sa colère ou ses désirs : «  l’homme juste instaure un ordre authentique dans son intérieur, il prend le commandement de lui-même, il se discipline et se rend cher à lui-même, il met entre les trois parties de son âme un accord parfait, comme s’il s’agissait des termes d’un accord musical » République IV.

 

V/  LA POLITIQUE

 

- La politique est directement dérivée de la métaphysique et de l’éthique de Platon : il s’agit de montrer l’incapacité des sophistes à diriger l’état mais surtout de montrer que l’état doit être dirigé par des individus capable d’avoir en eux la même justice que celle qu’ils veulent imposer au sein de l’état

- Les sophistes sont capables de concevoir ce qui plaît à la foule, ils sont des opportunistes, savent choisir le moment où l’opinion va se retourner de leur côté, en fonction cette disposition intellectuelle ils sont incapable de concevoir la véritable justice. "Ils [les sophistes] ressemblent en tout point à quelqu'un qui, chargé d’élever un animal gros et fort, se serait informé en détail de ses instinctifs et appétits." République VI 493a

 

- Il faut donc une direction effective des philosophes, seuls capables de concevoir l’idée d’une cité juste et d’appliquer cette justice car en eux la fonction qui permet de commander commande effectivement «  les maux ne cesseront pas pour les humains avant que la race des purs et authentiques philosophes n’arrive au pouvoir ou que les chefs des cités, par une grâce divine, ne se mettent à philosopher véritablement. » Platon Lettre VII

- un contrôle de l’éducation afin de ne par pervertir le bon naturel des enfant potentiellement dignes de diriger la cité

un contrôle des naissances afin de favoriser la venue des mieux disposés.