LA MEMOIRE

(Résumé pour cours)

 

 

 

I/ PROBLEME DE CONSERVATION

 

 

A) La conception matérialiste et sa critique

 

La trace matérielle Ribot : image des sillons sur un disque. Preuve : Une lésion dans le cerveau => un oubli: ex de Delay maladies de la mémoire une jeune fille souffrant d'une lésion cérébrale dans la région pariétale droite souffre d'agnosie tactile.

Objection: Agnosie = impossibilité évocation du souvenir, pas perte (signe de croix)

Objection 2  à la conception chosiste : «  La perception conservée est une perception, elle continue d’exister, elle n’ouvre pas en arrière de nous cette dimension de fuite qu’est le passé » Merleau Ponty, Phénoménologie de la perception »

 

La conservation spirituelle Théorie des 2 mémoires :

- Habitude, favorable à l’action : L’effort de l’apprentissage n’est plus à faire, le réflexe est plus efficace que le tâtonnement. Ex : Apprendre par cœur

- 2ème mémoire :   Cf. matière et mémoire «   le souvenir de telle lecture s'est nécessairement imprimée du premier coup dans la mémoire » p 83 « le souvenir c’est l’esprit en tant qu’il dure » « rêver c’est se désintéresser » l'antiphrase de Lavoisier par Bergson: « Tout se crée, rien ne se perd »( Bergson pousse cette conception à l’extrême en posant même que le souvenir, en tant que spirituel, n’est pas lié au cerveau, simple centre sélecteur.

 

 

 

B) Statut du souvenir

 

le rapport au passé : le souvenir est une acte l'acte présent d'évoquer un événements en le rapportant au passé.

Les différents types de mémoire

Mémoire organique = influx nerveux qui emprunte des circuits familiers (pas statique)

Mémoire autistique : Conservation et restitution intime de nos souvenirs sur le mode affectif => Plusieurs mémoires : mémoire familiale, professionnelle, nationale.

le récit. P. Janet : "Si l'homme fixe ses souvenirs c'est pour en faire le récit à ses semblables " C’est pourquoi nous avons si peu de souvenirs qui précèdent notre prise en compte du langage. Cf. Halbwachs: "Le passé ne se conserve pas, on le reconstruit à partir du présent" Les cadres sociaux de la mémoire.  Penser à Barthes Fragments d’un discours amoureux, où il montre que tout récit d’une histoire amoureuse correspond à un canevas transmis par une production filmographique ou littéraire.

   

 

II LE PROBLEME DE L OUBLI:

 

 

L’oubli comme perte Déjà envisagé, rejeté par plasticité du cerveau Il y a une dynamique de l'oubli: La sélection des souvenirs en fonction de mon affectivité

 

A) L'oubli pathogène ou condition du bonheur :

 

1 Le refoulement

 

Problème du refoulement Oubli dynamique correspondant maintien dans l’inconscient par le surmoi. Cure psy => retrouver la mémoire pour empêcher symptôme hystérique  

L’altération du souvenir : Présence des « souvenirs écrans » qui prennent la place des souvenirs réels et en constituent un rappel masqué. Cf. la leçon d’alphabet « Les souvenirs de la première enfance, ne sont pas les vestiges d'événements réels, mais une élaboration ultérieure de ces vestiges » Freud ibid

Le confort : Le désagréable, associé au désagréable peut être refoulé   Cf. L’oubli du dernier vers de L’Enéide Virgile : « Exoriar(e) aliquis nostris ex ossibus ultor! » L’oubli comme confort psychologique "

  2) Positivité de l'oubli

 

Nécessaire d’oublier pour jouir du présent. La santé mentale supposerait l’oubli : « Nulle fierté, nulle jouissance de l’instant présent ne pourraient exister sans faculté d’oubli » Nietzsche Généalogie de la mémoire Raison de l’impossibilité de cette jouissance : la conscience du temps, du caractère éphémère du vécu, de poids du passé, de l’angoisse de l’avenir. A opposer aux animaux "Observez le troupeau qui paît sous vos yeux; il ignore ce qu'était hier, ce qu'est aujourd'hui. Il s'ébat... , lié à son plaisir et à sa douleur, comme au piquet de l'instant, sans mélancolie ni satiété. Il est dur à l'homme de voir cela, parce qu'il se vante de son humanité, s'il se compare à l'animal dont il envie pourtant le bonheur". Nietzsche considérations inactuelles II

Le malheur vient donc de la conscience du fait que le passé est passé C'est cela qu'Heidegger nomme "la déréliction «  L'homme qui est incapable de s'asseoir au seuil de l'instant en oubliant tous les événements passés, celui qui ne peut pas, sans vertige et sans peur, se dresser un instant tout debout, comme une victoire, ne saura jamais ce que c'est que le bonheur. » Nietzsche ibid. (1873).

En ce sens celui qui est malade de la mémoire est l’homme qui ne peut oublier,

 

 

B) La conquête et le ressentiment

 

 

1) La socialisation et la mémoire

 

 

a) La mémoire comme résultat d’une socialisation

Dressage social de l’homme pour parvenir à ce résultat : Torture, marquage.

Nietzsche montre que peu de choses sont aussi terribles que l’adoption d’une mémoire par une société. Cf. l’expression « marqué au fer rouge". " Peut-être n'y a-t-il rien de plus inquiétant dans toute la préhistoire de l'humanité que sa mnémotechnique " généalogie de la morale 2ème dissertation §3

Cf. aussi Pierre Clastres : dans la société contre l’état “ dans le rituel initiatique, la société imprime sa marque sur le corps des jeunes gens ”.

 

b) mémoire et conquête

La mémoire est une conquête de l’homme qui pourrait considérer avec fierté cette maîtrise possible de lui-même. L'homme a certes été "fait prévisible" mais c'est cela qui fait de lui un individu souverain, capable d'une identité à soi, et capable également de dépasser les aléas qui l'empêcheraient de tenir sa promesse. Tel est ce produit: "l'homme libre" " qui donne sa parole comme une chose à laquqelle se fier, car il se sait assez fort pour la tenir en dépit des accidents, voire " en dépit du destin"" Nietzsche Généalogie de la morale, deuxième dissertation §2

L’amnésie est une faiblesse, une impossibilité de l’identité de soi dans le temps. L’oubli est aussi un oubli de soi, de la parole donné, de ce notre projection dans l’avenir à partir d’un projet : Dans L’odyssée (Chant IX) les Lotophages végètent dans l’oubli de leur terre et d’eux-mêmes. Seul Ulysse supérieur et rusé, parvient à se souvenir.

De même une société qui oublierait son histoire se couperait de ses forces de ce qu’elle a pu conquérir.

   

2) La mémoire et le ressentiment.

 

Cependant cette conquête peut se retourner contre l’homme lui-même, non seulement, comme déjà vu, parce qu’elle l’empêche d’agir, mais aussi parce qu’elle cultive en lui la culpabilité, la rancune, tout ce que Nietzsche appelle le ressentiment. La génèse du ressentiment, c'est l'incapacité d'action. contrairement à l'homme sain qui conquiert la mémoire pour être capable de maîtrise et d'identité, l'homme faible, incapable de s'opposer au fort, cultive la rancune et la vengeance, enfouit en lui même, dans sa mémoire, les offenses passées auxquelles il a été incapable de répondre.

Cf de façon plus anodine le regret qu'on parfois les gens de ne pas avoir eu la répartie au moment voulu: "je l'aurais mouché".

Là commence la véritable haine, peu concevable chez les forts. Cf. "la vengeance est un plat qui se mange froid". Pour Nietzche ou le plat se mange chaud ou il empoisonne. " Le ressentiment, lorsqu'il s'empare de l'homme noble, s'achève et s'épuise par une réaction instantanée, c'est pourquoi il n'empoisonne pas " Généalogie de la morale 1ère dissertation. § 10

Distinction du pardon chrétien, qui est (pour Nietzsche) conservation de la rancune, préservation en soi du souvenir de l’offense. L’oubli de l’offense caractérise l’homme qui a assez de forces vitales pour se mettre à distance de l’offense. " Ne pas pouvoir prendre longtemps au sérieux ses ennemis, ses malheurs et jusqu'à ses méfaits - c'est le signe caractéristique des natures fortes, qui se trouvent dans la plénitude de leur développement et qui possèdent une surabondance de force plastique, régénératrice et curative qui va jusqu'à faire oublier. (Un bon exemple dans ce genre, pris dans le monde moderne, c'est Mirabeau, qui n'avait pas la mémoire des insultes, des infamies que l'on commettait à son égard, et qui ne pouvait pas pardonner, uniquement parce qu'il - oubliait). Un tel homme, en une seule secousse, se débarrasse de beaucoup de vermine qui chez d'autres s'installe à demeure" ibid

De même une société qui cultive sa rancune risque d’être incapable d’avancer et de ruminer des haines qui l’empêchent d’avancer (Cf. La France avant la guerre de 14)

 

 

C) Le sens de l'oubli et le sens de la mémoire;

 

Il y a donc deux sortes d'oubli : L'oubli qui permet la santé et celui qui entraîne la maladie

 

ð  l'homme n'est pas passif par rapport à sa mémoire, il peut le fuir et alors le malade est peut-être l'homme de mauvaise foi,

 

Il peut le choisir: si tel événement nous paraît anodin, tel autre d'importance capital, c'est que nous lui donnons cette importance sur la base d'un projet: la rencontre passée d'un être peut-être un événement anodin ou déterminant selon ce que je choisirais de vivre à ce propos : " Je revis Gilberte dans ma mémoire. J'aurais pu dessiner le quadrilatère de lumière que le soleil faisait sous les aubépines, la bêche que la petite fille tenait à la main, le long regard qui s'attacha à moi." Proust Albertine disparue.

Il peut aussi lui donner son sens:   " Qui peut décider de la valeur d'enseignement d'un voyage, de la sincérité d'un serment d'amour, de la pureté d'une intention passée etc. ? C'est moi, toujours moi selon les fins par lesquels je les éclaire. " Sartre : L'Etre et le Néant p. 555