LA MORALE

Divers aspects de la réflexion morale :

-          Descriptif : On tente de déterminer en fonction de quelles circonstances ou de quels principes les hommes ont suivi des prescription

-          Prescriptif : On cherche à répondre à la question de savoir comment agir.

Dans le deuxième cas, celui sur lequel on se concentre ici, il deux possibilités s’ouvrent :

·         Soit il s’agit de déterminer la valeur des principes en fonction desquels on agit

·         Soit on considère l’effet de l’action que l’on effectue. 

 

On commencera par la deuxième option en considérant les possibilités que l’on peut avoir de déterminer notre action en fonction de notre but le plus évident, le bonheur.

 

 

I/ LES MORALES DE L'INTERET

A)     La morale du plaisir

Considèrent le moyen de parvenir au bonheur.

æ  En effet le bonheur est ce que tout le monde recherche, il est comme le dit Aristote ( Ethique à Nicomaque L.I) le « souverain bien »

æ  L’Epicurisme tente cette recherche du bonheur dans le plaisir. Cependant tout plaisir n’apporte pas le bonheur : certains plaisir peuvent engendre un peine supérieur au bien qu'ils procurent. Tout plaisir est un bien mais tout plaisir ne doit pas être recherché.

æ  Epicure opère bien une distinction dans la "lettre à Ménécée entre Désirs naturels et vains et parmi les naturels entre les nécessaires et les non nécessaires. On pourrait alors croire qu'en vertu de l'ataraxie le sage doive toujours choisir uniquement les plaisirs naturels nécessaires. On aurait donc le paradoxe d'une morale du plaisir débouchant sur l'ascétisme.

æ  Faux. Si le sage s'habitue à goûter les plaisirs naturels nécessaires, c'est pour ne pas dépendre des circonstances trop accidentelles liées à la possession des autres plaisirs. Placer son boneur dans ce qu'on peut perdre est une imprudence caractérisée.

- D'où il suit que la morale ne consiste pas à choisir tel ou tel plaisir mais à ne jamais entacher le plaisir de l'angoisse de sa disparition. Ce qui n'empêche pas de profiter de tout plaisir si l'on n’est pas esclave de sa perte possible.

- D où il suit également que la sagesse et la morale trouve son principe dans la raison. " La raison vigilante qui recherche minutieusement les motifs de ce qu'il faut choisir et de ce qu'il faut éviter" EPICURE : " Lettre à Ménécée."

 

B)      Extension de cette morale individuelle à tout une société.

 

- Doctrine qui tente de fonder une morale sur le calcul de l'intérêt, i.e. Sur le calcul du plus grand plaisir pour la peine la moins grande.

- Constat classique du désordre et de la peine qu'entraîne la poursuite effrénée des plaisirs.

- La conduite habile sera déterminée d'après un calcul d'après une mesure des plaisirs, selon :

·         Intensité

·          Durée.

·          Proximité (plaisir proche > plaisirs lointain.)

·          Fécondité (Un plaisir qui en engendre d'autres.)

·          Pureté (sans douleur.)

·          Etendue (partage pos.) BENTHAM.

Le problème est de montrer que la morale traditionnelle se trouve justifiée dans la recherche du plaisir. Ex. Ivrogne calcule mal( gueule de bois ) et immoral.

 

C)      La pertinence limitée du  bonheur en morale.

1)      Sa difficile compréhension

Ø  Indétermination du bonheur : Pour que les morales soient effectives, il faudrait que l'on puisse déterminer de façon certaine ce qu'est le bonheur, le seul problème de la morale serait alors d'adapter les moyens à la fin. Seulement, personne ne sait ce qu'est le bonheur. " Par malheur, le concept du bonheur est si indéterminé que quoique chacun désire être heureux, personne ne peut jamais dire d'une manière déterminée et conséquente ce qu'il veut vraiment". KANT Fondements de la métaphysique des mœurs. Section 2 § 25.

Ø  Le bonheur ne se confond pas avec le plaisir : Le bonheur n'est pas quantifiable en termes de plaisir : on peut avoir tous les plaisirs et être infiniment malheureux.

o   La quantification est impossible :   Le bonheur c'est le "maximum de bien être pour le présent et l'avenir" ibid.   mais pour le déterminer il faudrait l'omniscience (amour+ aventure+ argent+ santé, parfois éléments empiriques contradictoires).

o    Le bonheur est donc un "idéal de l'imagination", une totalité imaginaire de satisfactions, on ne peut donc, d'après lui, déterminer aucun principe d'action. On peut toujours donner des conseils de "prudence".

Ø  Au-delà de son impossible définition sa recherche même pose problème :

o   Les hommes poursuivent des choses en croyant que cette possession leur apportera le bonheur, ils veulent pas exemple « la paix de l’âme »  «  Une théorie non erronée de ces désirs sait en effet rapporter toute préférence et toute aversion à la santé du corps et à la tranquillité de l'âme. » Epicure Lettre à Ménécée. (cf. cours sur Le Désir)

o   Mais ils se leurrent eux-mêmes, « ils ne savent pas que ce n’est que la chasse, et non pas la prise, qu’ils recherchent » Pascal, Pensées, Br. 139

o   Bien sûr, la béatitude serait meilleure, et elle serait repos, mais elle est hors de portée.

o   L’erreur ne consiste pas donc dans le fait de se divertir, celui qui est sérieux est encore plus stupide, parce qu’il se croit au dessus des autres, comme l’est le roi qui refuserait de s’amuser d’un jeu : «  « s’il ne s’abaisse à cela (…)il n’en sera que plus sot, parce qu’l voudra s’élever au dessus de l’humanité, et il n’est qu’un homme, au bout du compte » ibid. 140

o   En somme ce qui est condamnable dans la recherche d’un divertissement, ce n’est pas de se divertir, c’est l’inconscience « leur faute n’est pas en ce qu’ils cherchent le tumulte, s’ils ne le cherchaient que comme un divertissement » Pensées, Br. 139 

2)      La valeur du bonheur

Au-delà de la difficulté que nous pouvons avoir à atteindre le bonheur, le problème est celui de sa valeur.

Ø  Le bonheur ne peut être une fin en soi  " le bonheur n'est qu'une fin conditionnée, tandis que l'homme ne peut être fin dernière de la création qu'en tant qu'être moral ". Kant  CFJ § 83

Ø  On ne peut par exemple estimer quelqu’un qui sacrifierait certaines valeurs à son bonheur, il ne s’estimerait pas lui-même, incapable de valoriser son choix, il sacrifie le sujet qu’il est à son moi.  C’est dans cette optique que Kant recentre le but de la moralité : « la morale n’est donc pas, à proprement parler, une doctrine qui nous apprenne à nous rendre heureux, mais seulement comment nous devons nous rendre dignes du bonheur. » Kant, Critique de la raison pratique, p.139, PUF.

Ø  On ne peut davantage estimer quelqu’un qui, pour satisfaire à son bonheur sacrifierait sa dignité d’homme, sa lucidité Cf. le cours sur la vérité. 

 

- Il ne faut donc pas chercher à fonder une morale sur l'effet de l'action, mais ce qui pousse le sujet à agir.

 

II/ MORALES DU SENTIMENT.

 

A)     Pitié et conscience

æ  On peut considérer que toute morale aurait pour base une répugnance instinctive au mal : " Il est donc certain que la pitié est un sentiment naturel qui, modérant dans chaque individu l'activité de l'amour de soi-même, concourt à la conservation de l'espèce."  Rousseau, Discours sur l'origine de l'inégalité. 1ère part, p I98 G.F 

æ  Formule :" Fais ton bien avec le moindre mal d'autrui qu'il est possible » ibid. Problème : s'agit-il déjà d'une morale ?

æ  Non, il s'agit d'une simple répugnance instinctive à voir souffrir autrui. Confère contexte : la pitié appartient à l'homme dans l'état de nature c'est à dire dans un néant de relation sociale. « Les hommes dans cet état n'ayant entre eux aucune sorte de relation morale ne pouvaient être ni bons ni méchants » ibid.

æ  Les seuls sentiments à l'état de nature ne sont pas en eux-mêmes moraux, il y a une ignorance de la moralité : « Les sauvages ne sont pas méchants précisément parce qu'ils ne savent pas ce qu'être bon. » ibid.

æ  Ce serait donc de la connaissance du bien que viendrait la moralité et c'est la raison qui nous le ferait connaître car elle nous permettrait de conformer notre volonté particulière à la volonté générale, ce qui, proprement se nomme la vertu. " La vertu n'est que cette conformité de la volonté particulière à la générale". Discours sur l'économie politique. La raison serait-elle alors ce fondement de la moralité ? non. "Connaître le bien, ce n'est pas l'aimer". Emile livre IV : Profession de foi du vicaire savoyard "  

æ  Il faut donc un sentiment qui nous pousse à aimer ce Bien que nous connaissons par la Raison. Or par le fait que l'homme est sociable, on prouve que l'homme n'a pas seulement des sentiments qui se rapportent à son espèce et c'est du double rapport à soi et à l'espèce que naît le sentiment qui porte à aimer le bien : la conscience. « L'homme n'a pas la connaissance innée (du bien) mais sitôt que sa raison le lui fait connaître, sa conscience le porte à l'aimer : c'est ce sentiment qui est inné ". ibid.

Il faut donc pour qu'il y ait une moralité :

æ  La raison qui fait connaître ce qu'est le bien

æ   Le sentiment qui porte à aimer le bien : la conscience. "Instinct divin juge infaillible du bien et du mal". Il s'agit donc bien d'une morale du sentiment.

 

B)     Problèmes des morales du sentiment

æ  Elles considèrent qu'il y a dans l'homme une force qui le pousse à faire le Bien, et donc, nous jugeons que ce sentiment est bon.

æ  Mais qu'est-ce qui nous permet de le juger tel ?

æ  Si l'on est capable de distinguer de bons et de mauvais sentiments, c'est que la règle du Bien se trouve ailleurs que dans ces sentiments, qu'il y a une règle morale qui nous permet de dire en quoi un sentiment est bon.

æ  Si nous jugeons qu'un sentiment est bon c'est que nous avons une référence qui nous permet de le juger tel

æ  Pensée circulaire: ON peut fonder une morale sur les sentiments parce qu’il existe de bons sentiments. Encore faut-il savoir ce qui fait que ces sentiments sont bons, savoir ce qu'est le bien.

 

III LA CONNAISSANCE DU BIEN.

A)     La bonne volonté

Kant rejette tout ce qui antérieurement était considéré être bon.

æ  La moralité ne dépend aucunement des qualités d'un individu Fondements de la métaphysique des mœurs, section I, § 2  maîtrise de soi du tueur.

æ  Ne dépend pas non plus des effets: 3 ibid. : une action peut-être morale et ne pas avoir l'effet souhaité.

æ   Elle ne dépend pas non plus de l'inclination, c'est à dire d'un sentiment qui nous pousserait à agir conformément au devoir,

o   Exemples : Deux actions identiques, toutes deux conformes au devoir, deux marchands qui vendent honnêtement, cependant l'un le fait par des principes de probité, l'autre par intérêt. Une seule de ces actions est morale. Deux actions ont eu la même matière mais la forme est différente.

 

B)     Le respect de la loi

Si la moralité n'est ni dans l'inclination ni dans les fins qui peuvent être atteintes par l'action, elle ne peut se trouver que dans l'intention, abstraction faite du but poursuivi, c'est à dire dans l'intention de faire ce que l'on doit faire, autrement dit, dans la nécessité d'accomplir une action par pur respect pour la loi.

Ø  "Le devoir est la nécessité de faire une action par respect pour la loi » ibid. section. I § I5

Ø  Note : le respect est l'effet de la loi sur le sujet.

Ø  Ce qu'il y a d'essentiel dans la morale, c'est que l'individu puisse agir d'après la seule représentation de la loi § I6 (I)

Ø  Ce qui montre que la morale dépend de la raison : Les choses se meuvent en fonction de lois, les êtres non raisonnables agissent en fonction de lois (instinct). Seul, l'être raisonnable peut se déterminer en fonction de la représentation d'une loi.  Cf. Section 1 § 16 (101) Section.2 §12 p.122 §46.

 

C)     La loi en elle-même

Reste à savoir quelle est cette loi dont le respect constitue la moralité.

Ø  Elle ne peut avoir de contenu car tout contenu quel qu'il soit pourrait cacher un mobile (par exemple aimer son prochain pourrait être un conseil de prudence etc.)

Ø  Il ne reste donc que la seule forme de la loi qui puisse être retenue.

Ø  - Quelle est la forme de toute loi ? " Tous les hommes naissent libres et égaux en droit " " Tout homme a le droit au travail " etc. Forme commune à toutes ces lois L'universalité.

Ø  Le devoir sera donc cette "simple conformité à la loi en général" autrement dit : "Je dois toujours agir de telle sorte que je puisse aussi vouloir que ma maxime devienne une loi universelle. Ibid. §17 p.103

C'est à dire :

-          Il faut que je puisse vouloir que tout individu agisse pour les mêmes raisons que moi j'agis.

-          Il faut une absence de contradiction dans ma maxime i.e. : Je dois agir conformément à la raison. Exemple de la promesse ibid. Section 1 §18

-          Action :faire une promesse sans intention de la tenir . Maxime à la base de cette action : Faire une fausse promesse est possible pour se tirer d'embarras est possible L'universalisation de cette maxime est impossible : détruit le concept même de promesse.

-           Agir moralement c'est agir conformément à ce que la raison ordonne. " Les concepts moraux ont leur source et leur siège dans la raison." ibid. Section.2 §10

æ  Remarque 1 : Accord de cette loi avec le sens commun : « Si tout le monde en faisait autant ? »

æ  Remarque : Même quand l'individu viole la loi il l'affirme. Il ne veut pas que sa maxime devienne une loi universelle; il se seulement une exception en faveur de son inclination. Cf. section 2  §40.

 

La fin de la moralité :

æ  La moralité ne peut avoir de fin relative pour laquelle elle ne serait qu'un moyen : La morale détermine des fins la loi morale la fin inconditionné.

æ  Il faut une fin en soi : L'être raisonnable. « Agis de telle sorte que tu traites l'humanité aussi bien en toi même que dans la personne d'autrui, toujours en même temps comme une fin et jamais simplement comme un moyen. »  ibid. Section 2 §49 (p 150)

Autonomie de la volonté :

·         Le caractère de la loi c'est qu'elle ne s'impose pas du dehors à l'être raisonnable. Il en est l'auteur.

·         En effet n'est jamais que l'universalisation du principe de la volonté, il n'y a en elle que la volonté pure, la volonté non déterminée par quelque chose qui serait extérieur à elle.( intérêt, passion, etc.) " L'autonomie est donc le principe de la dignité de la nature humaine et de toute nature raisonnable." ibid. Section 2 p 162-163.

·         Cf." Le peuple soumis aux lois doit en être l'auteur." Rousseau Contrat social Livre I Ch.IV

 

IV LA MORALE DE L’AMBIGUÏTE

A) Problèmes de la morale rationnelle

-        La conscience morale est comme un fait : La loi morale est donnée , c'est un fait non empirique : a priori. " On peut appeler la conscience de cette loi un fait de la raison." Critique de la raison pratique, p.31 (PUF).

-        Critique pos.de ce " fait " : Critique de la factualité de la conscience de la loi. La ramener à une origine psychologique est pos.

-        Plus grave : l'intention bonne déresponsabilise à l'égard des conséquences. EX du résistant caché.

Malléabilité de la maxime :

æ  Se réfère au devoir mais chaque personne ne voit pas son devoir en la même chose: Un Japonais bouddhiste ne considérera pas son devoir de la même façon que le chrétien, toute culture définit des devoirs différent, tous résistent à une possible universalisation.

æ  Pos même de valider le fanatisme: un inquisiteur brûle une "sorcière " avec les meilleures intentions. Cf. SARTRE Morale de KANT est une morale vide.

On reste toujours confronté au problème de la norme: On sait que ce qu'il faut c'est considérer nos actes selon une norme, c'est à dire se demander si la volonté à la base de notre acte est une bonne volonté, une volonté que l'on voudrait que tous aient, mais cela ne donne pas de normes, ce qu'il faudrait c'est pouvoir juger les valeurs

C'est bien de dire: Il faut pouvoir vouloir que tous veuillent la même chose que moi. mais ce n'est pas suffisant il faudrait une norme qui nous dise: vouloir que tous veuillent telle chose est meilleur que vouloir que tous veuillent telle autre:

B) Détermination des seules normes :

- Authenticité, reconnaissance de la valeur possiblement universelle de chacun de nos actes

- Eviction de tout ce qui nie la responsabilité : la valeur en soi des valeurs,

- Eviction, bien entendu de toutes les formes d’oppression, mêmes les plus bienveillantes qui consiste à choisir pour les autres.