LA JUSTICE-LE DROIT

 

 

 

Etymologie, le droit, métaphore de la rectitude.

 

1er sens la justice = ce qui concerne le droit, le légal. -> Application de la raison aux sciences = justesse, aux actes = justice

 

idée d'exactitude mathématique toujours présente dans idée justice cf balance équité égalité

 

Il faut déterminer à quelle égalité renvoie la notion de justice.

 

Considérer le rapport de la justice à la loi, en quoi la loi permet d'être l'incarnation,

 

Poser la question du rapport entre l'idée de justice et son application. Par quels moyens pouvons-nous réaliser la justice, n'y aurait-il pas un danger à tenter de réaliser la justice par des moyens injustes, jusqu'où pouvons-nous aller pour imposer la justice ?

Pour articuler ces questions il faut clarifier les différents rapports à la notion d'égalité, correspondant à différentes formes de justice :

 

Justice distributive. Etabli entre les termes posés deux à deux

 Justice mutuelle. Très différente, pose l'égalité fondamentale des personnes

 

Les deux exigences sont compatibles cependant différence. Transition : A laquelle de ces 2 égalités renvoie l'idée de justice 

 

 

 

 

 

 

 

 

I/ VALIDITE DE LA JUSTICE DISTRIBUTIVE

 

 

 

A) En matière pénale

1) Rationalité plus grande que l’archaïsme

L'anthropologie permet de montrer que la violence humaine est sans, parce qu'elle ne se borne pas à répondre au mal par le mal (ce qui est déjà davantage que ce que fait l'animal) elle n'a que les limites de l'amour propre, qui n'en a aucune

: « chacun punissant le mépris qu'on lui avait témoigné d'une manière proportionnée au cas qu'il faisait de lui-même, les vengeances devinrent terribles » Rousseau Discours sur… l’inégalité En effet la norme de la vengeance c'est la disproportion TEXTE 1

La justice distributive pénale introduit donc un progrès par rapport au  seul excès des vengeance : Le châtiment proportionné au crime, Loi du talion, est donc une forme de « modération » cf. origine « talis » : tel. Considération aussi d’une même humanité :  « Mais si malheur arrive, tu paieras vie pour vie, œil pour œil, dent pour dent, main pour main, pied pour pied, brûlure pour brûlure, blessure pour blessure, meurtrissure pour meurtrissure. »

— Exode 21,23-25

 Mais cette loi est insuffisante « Et toute l’Eternité, et tout l’argent du monde ne peuvent guérir l’outrage qu’on a fait à l’homme » Levinas, Difficile liberté, et elle résiste assez peu, en tant qu'idéal, à une analyse.

 

   

2) Réalité psychologique sous l’apparence rationnelle

 

S'il s'agit, pour une punition de "faire payer" un coupable, la monnaie est étrange : c'est de la souffrance, comme si la souffrance de l'autre ( du coupable) m'apportait quelque chose, alors qu'en toute logique, qu'on prenne la dent de celui qui m'a pris la mienne ne me permet pas d'en avoir une de plus : La vengeance ne serait qu'une légitimation d'un plaisir sadique Cf. Nietzsche : "comment la souffrance peut-elle être une compensation pour des « dettes » ? Faire souffrir causait un plaisir infini, (…) cela procurait aux parties lésées une contre-jouissance extraordinaire " Généalogie de la morale 2ème dissertation § 6  TEXTE 2

 

Dans cette mesure il ne faut pas confondre le justicier et le juste : le premier cède à la violence, assouvit sa vengeance ou celle des autres, le juste est capable de les dépasser.

D’ailleurs, les grandes figures morales de différentes cultures (Jésus, Mahomet, Bouddha)  

«Allah  a préparé le paradis pour ceux qui dominent leur rage et pardonnent" Coran 3/134

 

« Vous avez appris qu'il a été dit: oeil pour oeil, et dent pour dent. Mais moi, je vous dis de ne pas résister au méchant. Si quelqu'un te frappe sur la joue droite, présente-lui aussi l'autre. Si quelqu'un veut plaider contre toi, et prendre ta tunique, laisse-lui encore ton manteau » Mathieu 5 :38

 

 

sont des exemples éminents de renoncement à la vengeance : Œil pour œil finira par rendre le monde aveugle Gandhi. TEXTE 3

 

L’horreur du premier meurtre m'en faict craindre un second ; et la haine de la première cruauté m'en faict haïr toute imitation. " Montaigne Essais III ch.12

De plus on a pu voir que dans le règlement de conflits de grandes ampleur, il fallait dépasser la stricte économie de la rétribution de la faute par une peine. Les juristes chargés de pacifier les relations au Rwanda après le génocide ont dû faire preuve d'une inventivité diplomatique et juridique pour tenter de freiner au maximum la reprise de la violence.

 

   

3) Seules justifications possibles de la peine

 

- Une concession au besoin de vengeance, empêcher de nuire et dissuader.

- Pas de sévérité nécessaire : « En arithmétique politique, il faut substituer à l’exactitude rigoureuse le calcul des probabilités. » Beccaria Des délits et des peines §2

- Efficacité contestable. Seule efficacité réelle : « Enfin le moyen le plus sûr mais le plus difficile de prévenir les délits est de perfectionner l’éducation » ibid. § 45

Le fait de punir un coupable est donc, au mieux, une triste nécessité, pas un idéal. C'est surtout le signe d'une société malade de la trop faible éducation de ses membres, de ses inégalités, et de la misère qu'elle ne parvient pas à résorber.

 

 

B) Validité en matière sociale

  

1) Progrès de l’égalité civile par rapport aux privilèges

Seule justification des privilèges : le maintien de la paix sociale "Le peuple honore les personnes de grande naissance. Les demi-habiles les méprisent, disant que la naissance n'est pas un avantage de la personne, mais du hasard. Les habiles les honorent, non par la pensée du peuple, mais par la pensée de derrière." Pascal Pensées 337

 

Mais ces grandeurs établies ne méritent qu'un respect d’établissement  "Que la noblesse est un grand avantage, qui dès dix-huit ans met un homme en passe, connu et respecté comme un autre pourrait avoir mérité à cinquante ans. C'est trente ans gagnés sans peine." (Pascal, Pensées, 95).

Nous ne sommes pas loin de la question qui sonnera le glas des hiérarchies arbitraires : « Qu'avez-vous fait pour tant de biens? Vous vous êtes donné la peine de naître, et rien de plus. » Beaumarchais le mariage de Figaro

 

 

2) Dépassement des inégalités

C'est l'objectif d'une méritocratie : remplacer l'arbitraire de la naissance par la légitime reconnaissance des qualités et des efforts. Pour ce faire on instaure une égalité civile. Son but : Permettre à chacun d’occuper une place sociale en fonction de son seul mérite, supprimer les inégalités artificielles, promouvoir une égalité des chances

- Egalité au niveau électoral ( # vote censitaire.), accès aux concours et examens.

- Justice avantageuse: favorise l'excellence, ne pas permettre les " Mozart assassinés."

- fer de lance : L’éducation.
L'illustration de ce nouveau paradigme est l'armée Napoléonienne dont un grand nombre de maréchaux est d'origine populaire.

 

3) Problèmes de l'égalité civile:

 

Cette égalité est utopique:

- Problème de l’héritage économique, et surtout patrimonial : En période de forte croissance l'importance de l'héritage est moindre, mais dès qu'une faible croissance s'installe, l'héritage crée fatalement une confiscation de la richesse par une minorité. la fortune issue d'un héritage représente désormais 60% du patrimoine total alors que cette proportion n'était que de 35% au début des années 1970. (Chiffre 2021 du Conseil d'analyse économique CAE) C'est ce rapport que montre Thomas Piketty. « Dès lors que le taux de rendement du capital dépasse durablement le taux de croissance de la production et du revenu, ce qui était le cas jusqu’au XIXème siècle et risque fort de redevenir la norme au XXIème siècle, le capitalisme produit mécaniquement des inégalités insoutenables, arbitraires, remettant radicalement en cause les valeurs méritocratiques sur lesquelles se fondent nos sociétés démocratiques. » Thomas Piketty Le capital au XXIème siècle, Introduction

   On pourrait considérer comme toujours actuelle la formule de Rousseau Et l'indignation d'un Rousseau ne semble pas si inactuelle : " Ignorez vous qu'une multitude de vos frères périt, ou souffre du besoin de ce que vous avez de trop ?" Discours sur l'origine de l'inégalité  CF. aussi  Bakounine TEXTE 4 :

On comprend alors qu'on puisse justifier le vol, en cas de nécessité comme le fait Saint Thomas TEXTE 5 pour soi même ... comme pour les autres. Ce qui implique que, même si était confiscatoire, voire même si elle était du vol, une fiscalité très redistributive au détriment des riches serait plus juste que de laisser les pauvres dans leur dénuement (mais l'économie n'est pas qu'une question de justice, et il faudrait vérifier qu'une mesure redistributive n'ait pas d'effet pervers)

 

- Problème  important aussi de l’héritage culturel et de ce que Bourdieu appelle « la reproduction sociale » Idéologie et ignorance de la reproduction sociale cf. Bourdieu "les héritiers" : la société promeut un ensemble de codes, de comportements, de motivations, de compétences, qui sont ceux de la classe dominante, par l’école. "violence symbolique" sur les moins favorisés « la pratique culturelle sert à différencier les classes et les fractions de classe, donc à justifier la domination des unes sur les autres. » Bourdieu

 

Ruse possible de l'égalité civile: La promotion de l’exception du « self made man », la notion de mérite, la revendication de l’équité qui n’est que le masque de l’inégalité. Comme le dit Joseph Stiglitz, « dans le domaine de l’égalité des chances il ne faut pas considérer l’exemple mais la statistique » Emission « Du grain à moudre » du 11/09/2012

C'est pourquoi pour Alain, la promotion des heureuses exceptions est contre productive :

« Tous les efforts des pouvoirs publics devraient être employés à éclairer les masses par le dessous et par le dedans, au lieu de faire briller quelques pics superbes, quelques rois nés du peuple et qui donnent un air de justice à l'inégalité. " Alain 

Le but d'un Etat juste n'est donc pas simplement de considérer l'égalité abstraite, elle est de produire une égalité réelle : Léon Gambetta (1838-1882), « le but sacré de la République n’est pas de décréter des égaux, c’est d’en faire ». 

 

  

Seule justification des inégalités à côté d’une approximative égalité des chances : dans une réflexion générale sur la justice Rawls propose une expérience de pensée : le voile d'ignorance, qui consiste à faire l'effort d'imaginer dans quelle société nous voudrions "arriver" si nous ignorions tout de ce que nous allons y être. La seule justification de l'inégalité serait qu'elle soit profitable aux plus défavorisés : c'est  le principe de différence » : "All social primary goods -liberty and opportunity, income and wealth, and the bases of self-respect -are to be distributed equally unless an unequal distribution of any or all of these goods is to the advantage of the least favored" (Theory of justice,§46) TEXTE 6

 A cette fin un sociologue comme François Dubet a montré que l'influence d'une égalisation des places sur l'égalité des chances était plus manifeste que l'inverse. 

Pour mieux connaître les inégalités il est conseillé de consulter le remarquable site de l'observatoire des inégalités http://www.inegalites.fr/  

 

Remarques sur la méritocratie

- Il faut distinguer dans le mérite le fait et la valeur : de fait la sociologie montre que le mérite masque souvent des héritages sociaux, mais l'idée selon laquelle il faudrait une équité c'est à dire une inégalité des places en fonction justement du mérite peut demeurer. Reste à définir les critères du mérite, l'articulation complexe entre chance, talent et travail. Reste aussi à déterminer le niveau d'inégalité.  

- Le constat statistique d'une reproduction sociale ne supprime pas le mérite individuel : même un fils de médecin doit travailler pour être médecin. (en revanche ceux qui réussissent en allant dans une école de commerce non sélective très chère pour que leurs parents échangent, par système de stage, la préservation de postes prestigieux pour leur progéniture incompétente n'ont aucun mérite)

- Ce même constat sociologique est malheureusement souvent contre productif pour les classes les plus favorisés et les démotive dans l'accès à ce qui pourrait leur permettre d'échapper à leur condition : la culture et le travail scolaire. 

 

Conclusion partielle :  L'égalité distributive est d'une grande complexité, elle ne peut de toute façon correspondre à une valeur que lorsqu'une autre est réalisée, celle qui est plus évidente et moins sujet à controverse : la justice mutuelle. : "Il semble que la justice distributive a pour objet l'ordre et n'est qu'un moyen; tandis que la justice mutuelle est par elle-même un idéal c'est à dire une fin pour toute volonté droite". ALAIN, Propos.

 

 

 

II L'EGALITE DES PERSONNES.

 

 

 

A) L’inscription de l'égalité dans la loi

 

 1) Droit mimétique et droit positif (ou poétique)

Le droit mimétique est un droit qui imite un droit antérieur, qui tient son autorité de la tradition. C'est un droit qui descend du ciel ou du passé, sur celui auquel il s'applique, et que seuls des "docteurs de la loi" sont habilités à considérer. Il est inaccessible à la raison des hommes, il leur dit quoi manger, comment s'habiller, quelles relations avoir avec les autres etc. 

Dans le droit positif, le droit est posé, crée, il ne s'impose pas au citoyen, il est fait par lui." Le peuple soumis aux lois doit en être l'auteur" Rousseau. Il devrait être tel que tout homme raisonnable puisse le deviner.

Par exemple ma raison est impuissante à savoir si j'obéis ou non à la loi dans un pays théocratique, tout homme aurait peur d'être dans l'illégalité. En revanche dans un pays républicain, quel que soit sa culture d'origine, il suffit de réfléchir pour ne pas enfreindre la loi : un occidental n'a pas l'obsession de commettre une illégalité lorsqu'il visite le japon par exemple. Il devrait en revanche être très prudent au Pakistan où il pourrait être condamné à mort pour avoir émis une opinion. 

  

2) La double universalité de la loi.

L'égalité fondamentale est l'égalité en droit réalisé par la loi doublement universelle

- Universalité de l'origine : "Ce qu'un homme seul, quel qu'il puisse être ordonne de son chef n'est point une loi." Rousseau Du contrat social L.II Ch.VI et " Le peuple soumis aux lois doit en être l'auteur." Rousseau Du contrat social I.4

- Universalité de l'objet. "Ce qu'ordonne même le souverain sur un objet particulier n'est pas non plus une loi." Ibid. (je rappelle qu'ibid. n'est pas un auteur)

Le principe de la loi suppose l'égalité des personnes. De façon rationnelle parce que toute supériorité ou privilège accordé aurait deux défauts, au niveau des principes : elle serait impossible à prouver (les tentatives de considérer des classements : race, genre, etc. ont donné les pires échecs), et au niveau des conséquences : elle entraînerait dissensions, désirs de revanche etc.

Toute loi qui supposerait des principes obscurs ou métaphysique serait invalide : une loi ordonnant telle ou telle pratique religieuse ou voulant une interdiction au nom de principes religieux (le blasphème, la sexualité, l'avortement etc).
On comprend donc que pour qu'un loi soit valide il faut considérer qu'elle puisse avoir une valeur pour tout citoyen qui y est soumis. C'est le principe de la volonté générale.

Il ne faut donc pas confondre l’intérêt général avec l’intérêt d’une majorité (une majorité pourrait vouloir opprimer une minorité, la majorité a montré qu'elle pouvait être irrationnelle.). Le souci doit être le bien commun. La volonté générale, c'est la volonté en tant qu'elle est rationnelle.

Cela ne règle pas tous les problèmes (les lois économiques restent difficiles à déterminer)

Se pose bien sûr aussi le problème des représentations (à laquelle  Rousseau était hostile, du moins dans le Contrat social) Un « bon » représentant est celui qui considère toujours l’intérêt général. La vérification de ce désintéressement est difficile. Il faut au moins que le représentant puisse être soumis à une sanction électorale.

  

 

B) Lien entre justice et liberté.

 

On peut déjà considérer que la loi nous libère de la tyrannie possible, mais elle est surtout une tentative rationnelle pour maximiser l'accord entre les différentes libertés. 

" Le droit est la limitation de la liberté de chacun à la condition de son accord avec la liberté de tous, en tant que celle-ci est possible selon une loi universelle. " Emmanuel Kant, Théorie et pratique, 2e, partie, trad. Guillermit, Vrin, 1980, p. 30.

Distance entre moralité et liberté : Même un peuple de démons pourrait se donner une constitution dit Kant dans le projet de paix perpétuelle

 

L'obéissance à la loi n'exige pas la moralité (l'intérêt bien compris suffit), en revanche toute moralité devrait supposer une obéissance à la loi : la liberté personnelle comprise comme rationnelle suppose le fait d'envisager la valeur universelle de sa volonté. C'est là que la liberté personnelle rencontre ou non son accord avec la loi. Cette  liberté prend place dans la notion d'autonomie : la vraie liberté n'est pas celle de faire n'importe quoi, c'est celle qui consiste à obéir à sa loi : " L'impulsion du seul appétit est esclavage, l'obéissance à la loi qu'on s'est prescrite est liberté". Rousseau. Du contrat social livre I chapitre 8 De l’état civil

La loi n'impose que ce que l'individu aurait dû et pu s'imposer à lui-même : "faites que, pour faire ce qu'on doit, il suffise de songer qu'on le doit faire" Rousseau, discours sur l'économie politique.

 

  C) Distinction entre justice et moralité

Le pire serait de confondre les deux, c'est à dire de penser que tout ce qui est légal est bien, ou à l'inverse de croire qu'il faut rendre illégal tout ce que l'on désapprouve. La première confusion est une indigence morale : faire payer un créancier est légal, ce peut-être une bassesse dans certains cas. Le mensonge n'est pas interdit, ce n'est pas bien pour autant. La deuxième confusion mène à la tyrannie : l'offense au religieux est parfois stupide est malveillant, mais l'interdiction du blasphème constituerait une entrave tyrannique à la liberté d'expression. On peut donc à la fois désapprouver un comportement et défendre sa légalité. Le droit n'est pas coextensif à la morale. 

 

III  LA LUTTE POUR LA JUSTICE

 

 

A) lorsque les lois correspondent à l'idée de justice

 

Lorsque les lois sont justes, on pourrait croire que ce ne sont pas elles qu'il faut changer, et qu'il faudrait donc se reposer sur l'activité bénévoles des citoyens.

 

1) L'efficacité discutable du bénévolat

La bonne volonté ne fait pas la compétence. Parfois une bonne intention peut se révéler contre-productive. 

Par exemple des bénévoles peuvent empêcher des personnes de trouver un emploi rémunéré. 

Plus tragique, certaines missions humanitaires ponctuelles ont pu, à long termes, rendre plus pénible encore la situation de leurs "bénéficiaires". 

Les états semblent être plus qualifiés que les individus, comme le montre l'efficacité d'une sécurité sociale (quel que soit son déficit). 

 

 

 

2) Ruse possible du bénévolat ou de la charité. 

 Paradoxalement c'est le donateur qui souvent bénéficie de sa donation. Comme son nom l'indique le bénévolat c'est si l'on veut. Cela permet au privilégié de tolérer la misère et son opulence, en affirmant qu'une réforme sociale n'est pas nécessaire, qu'il faut juste "plus de générosité « Toute la ruse des bonnes consciences bien pensantes et bien nourries, revient à donner au pauvre comme une gracieuseté ce qui lui est dû comme un droit » Jankélévitch, Traité des vertus.

 

  3) Initiative bénévole – Réforme du droit. 

  La trop grande sévérité envers le bénévolat peut aussi être injuste. L'action ponctuelle a plus de sens que l'inaction. 

D'autre part il est un bénévolat qui a du sens et ne peut être soupçonné, c'est celui qui consiste à ne pouvoir supporter l'injustice et à se battre pour une réforme de la société. L'abbé Pierre par exemple n'a pas seulement aidé les sans abris, il a lutté pour qu'il y ait une loi, un droit opposable au logement. 

 

C'est d'ailleurs peut-être cette incapacité mal définie à souffrir de l'injustice qu’éprouvent les autres qui fait mieux comprendre l'idée de justice. Les justes ne sont jamais satisfaits : « La justice n'existe point ; la justice appartient à l'ordre des choses qu'il faut faire justement parce qu'elles ne sont point. La justice sera si on la fait. Voilà le problème humain. " Propos II, Paris, Gallimard, 1970 (Bibliothèque de la Pléiade), pp. 279-280 ou de façon plus synthétique : « La justice est le doute sur le droit qui sauve le droit »

 Conclusion sur la justice comme idée: elle n'est pas un état de fait, elle ne décrit pas une situation réelle, elle est ce qui oriente le droit, une idée régulatrice

 

   

B) Lorsque les lois sont injustes.

 

1) L’utopie

 

Nécessité de l’imagination pour envisager une alternative à « la plénitude d’être » et considérer une réalité comme insupportable

Problème: La réalité peut résister à la réalisation de l’utopie, et celui qui la tente peut faire payer cher à la réalité sa distance avec l’utopie. Cf. Robespierre envoyant à la guillotine tous ceux qu’il ne considérait pas comme étant les vertueux capable de réaliser l’utopie républicaine. Cf. aussi l’utopie communiste envoyant dans des camps.

 

 

2) le droit et la force

 

Possibilité d’emporter la justice sans recourir à des moyens injustes, de façon impeccable (Gandhi, Mendela etc.)

Mais constat du fait que la justice ne donne pas la force, que d’évidence on peut avoir raison et perdre : « la justice sans la force est impuissante » Pascal (contre la naïveté qui voudrait que justice fasse force, et le cynisme qui voudrait que force fasse justice (Bossuet)

 

Alors emploi possible de la force pour faire triompher la justice mais danger :

 

 

 

La violence et l’injustice peuvent devenir une habitude et coller à la peau comme le Lorenzaccio finit par coller à son personnage. Cf. « Capitaie Conan » de Tavernier où la violence devient en elle-même un mode de vie auquel on ne peut plus renoncer (cf. aussi la part importante d’anciens résistants dans la pègre des années 50 ).

 

Georges L. Mosse considère le processus de brutalisation, qui ne consiste pas dans le fait de brutaliser une victime, mais dans le fait d'être soi-même transformé en brute: Par la propagande militariste de 1918, la réduction des misères de la guerre à une mythologie héroïque, la glorification du sacrifice, etc. on préparait déjà le fascisme des années ultérieures.

 

Mais la brutalisation, pour les esprits, c'est aussi pour ceux qui ont vécu la guerre, un mépris de la vie, de la sienne comme de celle d'autrui, une habitude d'un recours aux armes, parfois une fraternité qui transcende les lois de façon malsaine. Cf. Rambo.

 

L’emploi de moyens injustes peut pervertir l’idée que l’on cherche à atteindre pas ces moyens. Cf. « les justes » de Camus TEXTE 9 et l’interrogation sur la possibilité d’employer des moyens violents pour mettre fin à un état lui-même violent. Problème de la torture pour mettre fin au terrorisme.

Distinction difficile entre terroriste et résistant, il est parfois impossible d'employer uniquement des moyens juste pour combattre l'injustice. Mais la plus grande parcimonie doit régner dans l'emploi de ces moyens, sinon le risque est de rendre toute cause et toute volonté de justice parfaitement dérisoire par rapport à l'horreur des moyens employés :  

 

« Quelle que soit la cause que l’on défend, elle restera toujours déshonorée par le massacre aveugle d’une foule innocente où le tueur sait d’avance qu’il atteindra la femme et l’enfant » Albert Camus  Avant-propos » à Actuelles III. Chroniques algériennes 

 

 

 

 

 

CONCLUSION

 

La justice correspond à une forme de droiture, d'égalité mais encore faut-il savoir de quelle égalité on parle : l'égalité distributive montre sa fragilité à l'examen : sur le plan pénal elle est au mieux une triste nécessité, sur le plan social elle n'est souvent qu'un alibi idéologique pour justifier les hiérarchies. Seule la justice mutuelle correspond donc à l'égalité juste. La loi est théoriquement son expression rationnelle. Cependant le droit n'est jamais complet et toujours à parfaire pour se rapprocher de l'idéal de justice. Les moyens à employer pour atteindre l'idéal juste posent toujours problème : ils doivent être considérés avec prudence : les idéaux les plus ambitieux de justice ont dans l'histoire donnés lieu aux pires régimes et, en ce qui concerne l'action plus individuelle, le risque demeure toujours de voir l'idéal de justice rendu dérisoire par l'emploi de moyens extrêmes.