INTRO
Plusieurs conceptions possibles de l'inconscient:
Avec l'étude de la conscience nous avons considéré l'inconscience comme défaut de recours à une conscience possible, comme imprudence ou irréflexion. On connait par ailleurs le fait d'être inconscient. 

Nous reconnaissons également que bon nombre de réalités qui nous sont intérieures, ne parviennent à notre conscience que de façon exceptionnelle :  Je ne suis pas conscient par exemple des battements de mon cœur. Dans ce cas l'inconscient n'est pas vraiment un problème pour la conscience.
- Il le devient par contre si l'on considère que la conscience elle même est le résultats de processus inconscients. L'inconscient n'est plus simplement un défaut de connaissance  mais une influence qui se masque. Telle est la conception Psychanalytique. 

La psychanalyse Freudienne n'est pas la seule grille de lecture de l'inconscient, Nietzsche, Marx et d'autres ont opéré une étude de l'inconscient. Elle peut cependant servir de modèle archétypal à une étude qui place la philosophie dans une situation particulière. Presque tout étude de l'inconscient a en effet la double ambition de procéder à une investigation et de conduire à une thérapeutique.
Il faudra donc étudier la psychanalyse  Freudienne comme archétype d'une exploration de l'inconscient, puis la méthode mise en place par Freud pour mener son investigation. Nous verrons enfin les problèmes statutaires de la psychanalyse, et en particulier les difficultés de sa prétention à être une science.  


I/ STATUT DE LA THEORIE PSYCHANALYTIQUE
A) Une origine scientifique. 
Pas théorie philosophique: Freud est un médecin.
Cette théorie a une méthode, elle s'appuie sur l'expérience, elle a une ambition scientifique. Elle pose cependant des questions nouvelles, et surtout elle introduit une conception de l'homme et de la pensée qui la place dans l'horizon du questionnement philosophique.
Origine de cette théorie: l'expérience, un certain nombre d'observations:
Sous hypnose de personnes présentant des troubles hystériques laissaient libre cours à ce qui les obsédait et le patient ressentait une amélioration.
- C'est ce que raconte Freud notamment dans les Etudes sur l'hystérie : Une Jeune fille, Anna O souffrait de  troubles oculaires. Elle fit le récit sous hypnose d'une impossibilité de pleurer lors de l'enterrement de son père. Freud laisse venir l'obsession à la surface et fait apparaître le lien entre le trouble organique et l'obsession psychologique, le trouble organique disparaît. Vous trouverez un autre exemple dans le TEXTEFreud découvrit alors une des premières lois expérimentales: : « dès que l'inconscient redevient conscient, l'état mental s'améliore. »  On est dans un cas unique de la médecine où c'est le diagnostic lui-même qui devient thérapeutique. C'est une des premières patientes de Breuer qui donna à cette méthode le nom de cure par la parole "talking cure"  partir de ce type d'expériences, d'un contact avec le milieu psychiatrique Freud va proposer des hypothèses puis échafauder une théorie. capable de rendre compte des faits, et étendre le modèle psychanalytique à la vie psychique en général. 


B)  Hypothèse fondatrice

L'hypothèse part des faits:
- Comportements dont l'origine est mystérieuse, les actes manqués, les obsessions, les phobies, l'agressivité immotivée etc. C'est ce dont parle Freud dans la psychopathologie de la vie quotidienne 
EX Phobie des serpents, reproches agressifs ( qui cachent un auto reproche ), obsession de la propreté etc...Troubles obsessionnels du comportement. De façon même la plus ordinaire ( et ce n'est pas un exemple de Freud au début) nous sommes conscients de nos désirs, mais aucunement de leur origine ( d'où l'impression de leur "naturalité"). 
- Ces comportements ne peuvent être expliqués par un seul recours à la conscience. « notre expérience quotidienne la plus personnelle nous met en présence d'idées qui nous viennent sans que nous en connaissions l'origine, et de résultats de pensée dont l'élaboration nous est demeurée cachée"  »métapsychologie 1915 TEXTE 1 

 

La psychanalyse propose de faire entrer dans la sphère du sens, de comprendre à partir de phénomènes inconscients les phénomènes conscients inexplicables.
La psychanalyse correspondrait donc à un gain de sens qui doit apporter un mieux être ou plutôt atténuer un certain nombre de souffrances. 
L'hypothèse de Freud est donc qu'il existe un inconscient, et pas seulement un inconscient négatif, pas seulement des données oubliées, mais un inconscient déterminant actif. 
Freud compare l'homme qui ne se fierait qu'à sa conscience à un monarque absolu qui se contente des informations que lui donnent ses hauts dignitaires de la cour et qui ne descend pas vers le peuple pour entendre sa voix.  

" Tu te comportes comme un souverain absolu, qui se contente des renseignements que lui apporte les hauts fonctionnaires de sa cour, et qui ne descend jamais dans la rue pour écouter la voix du peuple" Une difficulté de la psychanalyse 1917

- Freud renouvelle d'une certaine façon la vieille exigence de la connaissance de soi, mais dans un but thérapeutique. apprends d'abord à te connaître, alors tu comprendras pourquoi tu dois devenir malade, et tu éviteras peut-être de le devenir. L’inquiétante étrangeté et autres essais Une difficulté de la psychanalyse 1917TEXTE 4

 

Le but est d'étayer cette hypothèse par des expériences pour mettre au point une étude du psychisme qui devra répondre à la question: « pourquoi ne sommes nous pas conscients de tous nos actes psychiques ? »
II EXPOSE THEORIQUE
A) Etude du psychisme: TEXTE 6 

1) Analyse

Le psychisme se compose de plusieurs instances ( c'est ainsi qu'il l'étudie à partir de 1920 dans ce qu'on nomme la seconde topique)
- Le " ça ": Représente tout ce que l'être humain apporte en naissant, se pulsions, ce qui le pousse à agir, ses désirs.
- La représentation de la réalité extérieure: Le psychisme ne tient pas seulement compte de son confort intérieur, de ses désirs ( pour simplifier ).Il doit aussi tenir compte de la réalité dans laquelle les désirs peuvent se satisfaire.
- Le surmoi: Représente l'interdiction sociale, la censure.

" Le pauvre moi (..) a à servir trois maîtres et s'efforce de mettre de l'harmonie dans leurs exigences" Freud Nouvelles conférences de psychanalyse 1933

 

2) Origine

Le ça ne pose pas le problème de l'origine, il est un donné. La représentation de la réalité extérieure vient d'une nécessité.
Le surmoi: Se forme dans la période où l'enfant est dépendant de ses parents.
Pour continuer à être aimé l'enfant intériorise l'influence parentale. Cette influence se prolonge ensuite par les traditions que l'éducation parentale véhicule
mais aussi par certains substitut sociaux de l'influence parentale: les éducateurs instituteurs etc...
Tient son origine dans le complexe d'Œdipe. Histoire d'Œdipe. Ce complexe est très tôt énoncé chez Freud : il a l'a remarqué dans une auto analyse et l'a mis en place dès 1900 dans "l'interprétation des rêves".
Ce complexe signifie que le petit enfant voudrait être le centre d'intérêt de sa mère, avoir sa mère pour lui tout seul. Son père apparaît donc comme un rival dans l'amour de sa mère.
D'où la naissance d'instincts meurtriers envers le père combattus par l'affection que l'enfant porte au père.
Solution: l'enfant va s'identifier au père, intérioriser les valeurs qu'il véhicule et les interdits qu'il représente. C'est ce qui explique la force du surmoi et son influence sur le psychisme, d'où également la force des interdits moraux qui ne viennent pas d'une interrogation rationnelle mais des forces mêmes de l'individu.
Chez les femmes (le “continent obscur”) complexe d'Electre ( selon Jung contesté par Freud) Alors que le complexe de castration est la structure qui permet de résoudre le complexe d'Œdipe pour le garçon, elle est ce qui inaugure ce complexe chez la fille. " Les petits garçons ne mettent pas en doute que toutes les personnes qu'ils rencontrent ont un appareil génital semblable au leur : il ne leur est donc pas possible de concilier l'absence de cet organe avec l'idée qu'il se font d'autrui"  Freud 3 essais sur la théorie sexuelle (1905)

 

. Le complexe de castration résout le complexe d'Œdipe chez le petit garçon, il l'inaugure chez la petite fille.

Le complexe de castration intervient lorsque les enfants s'aperçoivent de l'absence possible de pénis dans le cas du garçon, dans sa présence possible dans le cas de la fille, ce qui conduira cette dernière à rechercher le pénis. 
Le surmoi a cependant moins de force, a un côté plus affectif car c'est, dans la civilisation occidentale, par le père, que sont véhiculés les interdits sociaux.

B) Conflit

1) Une réalité structurelle 

L'étude des conflits va permettre de répondre à la question: «  pourquoi des aspects de notre psychisme demeurent-ils inconscients. »
Le moi doit établir un équilibre entre 3 instances autoritaires
* Impossible ignorance de ces instances.
* Contradiction possible:
Entre le ça et la réalité.
Surtout entre le ça et le surmoi parce que l'interdit social entre en jeu avec une partie importante des désirs.
Résultat du conflit:
- Réalité et ça > surmoi => Culpabilité névrose.
- Surmoi et réalité > ça => Complexe d'infériorité.
- Surmoi et ça > Réalité => Délire psychotique. ex de Schreber.

 

2) Le refoulement comme conséquence du conflit.

 - Lorsque le surmoi est en contradiction brute avec une pulsion exigeante, ces désirs ne sont pas supprimés mais rejetés hors de la conscience, dans l'inconscient. C'est ce que très tôt, Freud décrit dans sa première topique
 Il y a deux façon de ne pas être conscient :
* Le préconscient: ( cf. Essais de psychanalyse p.180 ) les tendances qui peuvent devenir conscientes pour peu que le moi y prête attention, les tendances que rien n'empêche de devenir conscientes.
Considéré antérieurement comme le seul inconscient ( ce qui ne mérite pas le témoignage de la conscience )
* L'inconscient dynamique:
 Lorsqu'une tendance ne peut  être acceptée par le sujet elle est maintenue dynamiquement dans l'inconscient, refoulée,  c'est à dire qu'une force la maintient en dehors de la sphère de la conscience. TEXTE 5.  Cette force est celle que rencontre le psychanalyse au cours de l'analyse et qu'il nomme la résistance.

Cependant l'instance refoulée ne va pas disparaître: manifestation " clandestine " dans des actes manqués, lapsus, rêve, obsession ou même délire.

- Possibilité d'installation d'une névrose : par exemple le refoulement d'une pulsion sexuelle interdite peut se transformer en jalousie pathologique : je ne supporte pas de désirer ce que je désire, tu es coupable d'un désir interdit. (Exemple donné par Freud dans l'introduction à la psychanalyse 1916).
On peut alors comprendre que la psychanalyse, au delà de son aspect théorique, présente une ambition thérapeutique, qui ne consiste pas à satisfaire ses désirs, ce qui serait une perversion (pour Freud), mais à accepter la frustration.

La psychanalyse fournit donc une explication au fait qu'il y ait des phénomènes inconscients.
Mais en vertu de la loi expérimentale selon la quelle   “lorsque l'inconscient redevient conscient l'état mental s'améliore “ , elle permet une véritable thérapeutique: remplace la souffrance brute par une compréhension au sens fort.

III / METHODE

Très liée à la théorie.
Très lente. Il s'agit de lever le refoulement, de supprimer la résistance : il faut faire renoncer le patient à la solution névrotique qui lui apporte la satisfaction immédiate de masquer un problème pour résoudre véritablement le problème. La névrose est une sorte de réponse magique à un problème (comme se tétaniser devant un danger) la cure serait la possibilité d'une réponse adéquate. 
 La  cure psychanalytique sa base dans la notion de signification: opposer aux données fragmentaire d'un individu sur sa propre souffrance, une explication claire et cohérente, qui permettre de dénouer le complexe
EX: Explication de la timidité par la peur du père en relation avec le complexe d'Œdipe. Le faisceau explicatif des relations du père à l'enfant par exemple va donner un sens au complexe du malade, le faire sortir de l'absurdité douloureuse.
Cette explication est un résultat. Façon d'y parvenir:

A) Interrogation consciente.

Retrouver dans le langage conscient du sujet des préoccupations inconscientes=>
- Règle de non omission: l'individu ne doit pas structurer son discours mais procéder par association d'idées. C'est à l'analyste de déterminer l'importance du discours et surtout de ce qui est mis en rapport dans un discours.
* Attention prêtés aux: Lapsus, actes manqués
* Résistances = marque d'un désir inconscient refoulé qui par là peut être actif et à l'origine du trouble.
Lorsque un propos paraît être significatif il l'offre au patient comme clé. Le patient doit alors se livrer à la libre association dans laquelle l'analyste pourra trouver une signification.
L'analyste ne fait donc qu'orienter le propos.
Difficulté:
- L'interprétation: Découvrir quel mot ou quel thème peut être important pour faire surgir l'origine du trouble.
- Le patient masque l'origine de son trouble: non comme un voile mais comme une force qui repousse l'origine du trouble dans l'inconscient.
La force qui maintient le refoulement est la résistance. Manifestation multiple: hostilité, refus de séance etc...
Cependant en même temps qu'elle masque la préoccupation elle permet de montrer quelle est cette préoccupation.
Cependant possibilité de maintient de la préoccupation dans l'inconscient.
Moyen de lever la résistance: trouver un état où la résistance s'abaisse.

B) Le rêve.
  

  1) satisfaction de désirs inconscients

"Le rêve est la voie royale de l'exploration de l'inconscient".

L'un des apports les plus important de Freud est d'avoir considéré que le désordre du rêve n'était pas un défaut d'organisation (comme le pensait Bergson) mais le fruit d'un travail.

Il faut distinguer dans le rêve un contenu manifeste : le récit du rêve, et un contenu latent : les pulsions exprimées dans le rêve. La méthode consiste à partir du plus simple, du plus manifeste :
- Illustration par les rêves diurnes et les rêves d'enfant.

Dans les rêves diurnes ( Cf. aussi le théâtre privé d'Anna O. dans les Etudes sur l'hystérie), le sujet fantasme sur la réalisation de ses désirs, il se berce par exemple d'une vengeance qui le soulagerait d'une enfance, se voit en héros ou héroïne etc. Luc Ferry voit dans la fable de La Fontaine, La laitière et le pot au lait la meilleure illustration de cette tendance :

"Chacun songe en veillant; il n'est rien de plus doux:
Une flatteuse erreur emporte alors nos âmes;
            Tout le bien du monde est à nous,
            Tous les honneurs, toutes les femmes. "

Cela dit l'importance de l'élaboration secondaire (l'effort pour donner au rêve une cohérence) y est prévalente. Les rêves d'enfant sont aussi clairs parfois tout en étant des rêves nocturnes.
Les rêves ont donc une signification: ils manifestent l'importance du conflit dan l'appareil psychique et permettent de déterminer les éléments et les désirs qui sont en action.
Le premier désir que manifeste le rêve est celui de prolonger le sommeil.
Démonstration par rêves de confort. => Le rêve est le gardien du sommeil.
Or toute tension psychique produirait le réveil.
Satisfaction des désirs implique la neutralisation de la tension psychique correspondante.
Une objection: Les rêves d'adulte présentent rarement le une réalisation nette des désirs.
Solution: Une tension psychique correspondant au heurt du Surmoi représenterait également un danger pour le sommeil.
Compromis: le rêve réalise symboliquement une pulsion. Le symbole permet à la pulsion de se reconnaître mais ne permet pas au surmoi d'avoir accès à cette reconnaissance. La résistance fait son travail dans le symbolisme du rêve.
- L'interprétation des rêves.
Le rêve procède par condensation: il condense des désirs différents sur une même situation On dit dans ce cas là que le symbole est surdéterminé.
La solution est donc de dissocier les éléments du rêve pour comprendre que chacun est le représentant d'un désir affectivement lié au précédent.

Le travail du rêve correspond à la façon de masquer les pulsions : condensation, déplacement, figuration , élaboration secondaire.

Condensation : une seule image ou un seul symbole condense plusieurs pulsions (mer et mère)

Déplacement: une pensée importante est déplacée sur des éléments indifférents

La figuration : "transformation d'idées en images visuelles" Introduction à la psychanalyse p. 159 (la surveillance figurée par un oeil par exemple)

L'élaboration secondaire va être la transformation après coup du rêve par le rêveur
 
Exemple du chapeau noir.
Difficulté: Chaque individu peut prendre pour objet symbolique n'importe quel élément de sa vie quotidienne. Il est donc nécessaire pour comprendre le rêve d'avoir recours à l'interrogation consciente, de demander au patient une mise en rapport du rêve avec ce qui lui vient en esprit.

 

2) Le problème des cauchemars

Un certain nombre de cauchemars peuvent s'expliquer, comme le fait Freud dans l'interprétation des rêves, par un échec du rêve, c'est à dire par le fait qu'une satisfaction trop directe d'un désir interdit entraînerait un choc du surmoi et donc la transformation d'un désir en angoisse.
Plus tard cependant, à partir de Au delà du principe de plaisir, ouvrage postérieur à la première guerre mondiale, Freud parle d'une tendance étrange à répéter des rêves pénibles. Il en vient à supposer une pulsion de mort, une tendance du vivant à retourner à l'inorganique.



C) Le transfert.
Pour avoir accès aux pulsions inconscientes de l'individu, pour que le patient ait assez confiance pour accepter de dévoiler ce que justement il veut masquer, le praticien doit trouver une aide à l'intérieur de l'appareil psychique.
Ni le ça ni la représentation de la réalité extérieure mais le surmoi.
Le psychanalyste va se servir de la mobilité des pulsions dans le surmoi. Comme l'obéissance à l'autorité paternelle peut se transférer sur des représentants sociaux de l'autorité il va s'assurer du transfert sur lui de ces pulsions, se faire passer pour une autorité.
Le malade va alors reconduire le conflit primordial qui l'a amené à développer sa maladie.
En se faisant conférer l'autorité du surmoi le psychanalyste provoque les résistances, identifier les complexes qui en sont à l'origine et les révéler au patient.

IV/ EXTENSION ET CRITIQUE

A) extension.
La théorie psy. apparaît comme une explication globale du comportement humain. On peut alors se prêter à interpréter les activités humaines par la psychanalyse.
 
1) L'art
L'artiste comme le névropathe est quelqu'un qui a douloureusement senti le passage du principe de plaisir au principe de réalité. Réalité = lieu d'insatisfaction, opposition à réalisation des désirs. Recours à une satisfaction imaginaire projection dans des formes imaginaire de ce qu'il ne pouvait accomplir dans la réalité. Ex. Toulouse Lautrec et Utrillo. Plus flagrant dans l'étude par Freud du Moïse de Michel Ange.
Même chose chez le Névropathe.
Différence 1: l'artiste exprime des complexes universels ( cf Shakespeare ou Sophocle )
Différence 2: Chez l'artiste les désirs ont une échappatoire et retrouvent la cohérence symbolique d'une possession d'un matériau ( ont peut dire que pour Baudelaire un problème psychanalytique se trouvait transformé en un problème prosodique. La solution de l'un amenait la neutralisation de l'autre.)

Enfin et surtout l'artiste peut retrouver une maîtrise sur ce qui normalement lui échappe. Cf. L'enfant qui dans Au delà du principe de plaisir, peut retrouver, avec le jeu de la bobine de fil, une maîtrise sur le départ et l'absence (le For ja) alors que dans la réalité il n'en a aucune.


 2) La religion

Plusieurs textes parlent de la religion. Le plus célèbre est l'avenir d'une illusion (1927)

On peut dire que la critique Freudienne (comme celle de Nietzsche d'ailleurs) se fait en deux temps : critique de l'origine de la religion et critique de ses conséquences.

En ce qui concerne l'origine de la religion. La thèse centrale de Freud, c'est que la force des religions vient de la force des désirs.

Les désirs les plus urgents de l'homme sont satisfaits par la religion : besoin de se sentir protéger, d'avoir une prise sur des forces qui les dépassent. En donnant une psychologie aux phénomènes naturels qui dépassent l'homme (ce que l'on nomme animisme), cela le rassure. Il se comporte envers la nature comme il se comportait enfant à l'égard du père : il peut chercher à conjurer ses arrêts, à le séduire, à plier sa volonté etc. Il n'est plus démuni. D'où la formule de Freud : Dieu n'est qu'un père plus puissant.

S'ajoute un autre désir, que Freud développe dans Psychologie des masses et analyse du moi (1921) : le désir d'aimer et d'être aimé par un être supérieur, et de souder une communauté par cet amour commun.

L'enfant a prés de lui quelqu'un qui représente à la fois la puissance protectrice et prohibitive. Plus tard lorsqu'il apprend que son père n'est pas tout puissant il projette dans le monde un substrat magnifié du père: Dieu.
Tous les caractères sont communs. Dieu comme le père est celui qui protège et donne la loi.
La culpabilité envers Dieu reconduit la culpabilité envers le père
La foi ressentie comme intérieure reconduit les interdits moraux eux mêmes intériorisés. Cf le " notre père ".
Le croyant est donc un individu qui ne peut se passer de l'autorité du père, un être immature. Trois stades de la maturité: Le stade animiste qui correspond au stade narcissique chez
l'enfant: Toute puissance des pensées et des désirs, ignorance du réel.
Le stade religieux: Correspond au stade où l'enfant se choisit un objet à ses pulsions: ce que l'on aime est plus puissant que le réel.
Le stade athée: l'homme comprend que le réel est indifférent à ses désirs et cherche à les réaliser par une connaissance de ses lois.
Pour avoir de la pluie l'homme traditionnel imite le nuage, l'homme religieux prie Dieu, le troisième balance de la neige carbonique ou tente l'insémination des nuages.

Malheureusement l'homme paye cher cet acquis : cela le maintient à un stade immature, cela  le conduit à développer des comportement d'évitement et de névrose (conjurations aberrantes) et surtout cela tend à disproportionner la part du psychisme correspondant à l'intériorisation des interdits, et donc à installer le sujet dans une structure névrotique. Voilà pourquoi Freud voudrait qu'on remplace l'éducation religieuse  par une "Education en vue de la réalité "TEXTE 8
 
 
C) Critique

1) Le systématisme.
Matérialisme: explique le supérieur par l'inférieur.
- Elle réduit l'art à une névrose et la religion à un complexe.
- Elle oublie en se posant la question de l'origine et la question de la spécificité et la question du fondement.
Non scientificité:
Ce qui fait la scientificité c'est justement qu'une théorie scientifique n'est jamais irréfutable. Le critère du fait qu'une théorie soit scientifique c'est même sa falsifiabilité. cf. Karl Popper  
La Psychanalyse est irréfutable comme un discours religieux parce qu'il est interprétatif. 

Il y a aussi une critique de la part des sciences sociales : Freud cherchait tellement à fonder une science qu'il a voulu considérer un invariant psychique avec pour axe central le complexe d'Œdipe (Ce qui amène certains freudiens à défendre des position très conservatrice sur le caractère "perturbant" de toute transformation d'un schéma familial). Des sociologues comme Bernard Lahire ou plus récemment Hervé Mazurel montrent l'imbrication nécessaire entre le social et le psychologique. Peut-on par exemple considérer de la même façon les névroses actuelles et celles qui se manifestaient dans la société du XIXème siècle, où, il est vrai la sexualité subissait une pression sociale considérable ? De même des ethnopsychiatres comme Georges Devereux cherchent à mettre en relation l'investigation psychologique et la connaissance des sociétés. 

- Réduction impossible du sujet:
Dans l'analyse psychanalytique il y a un individu qui regarde ses propres mécanismes, un sujet conscient. Lorsque je m'analyse ou que je prend conscience de mon trouble. il y a un je qui prend conscience et un moi qui est objet d'analyse. C'est pour cela que Sartre parle de "mauvaise foi" pour la psychanalyse.
L'analyse elle même suppose un sujet conscient irréductible. Ce que l'on pourrait confondre avec la psychanalyse c'est le sujet et l'objet, le moi et le je.

2) Critique moraliste
Freud confond volontairement une pulsion  et l'idée provenant de cette pulsion ( cf. métapsychologie ) Or il y a une possibilité  de réflexion sur l'idée pas sur la pulsion

Réduit la vie psychique à un antagonisme entre les forces de même nature originelle, des pulsions, qui s'opposent parce que les forces originelles se sont scindées en:
- satisfaction des pulsions émanant du ça et
- respect de l'autorité parentale intériorisée.

Or l'idée (cf.  TEXTE d'Alain ) même si elle n'a pas son origine dans la conscience, est une pensée consciente. Comme telle elle peut s'opposer de façon mécanique aux instances sociales intériorisées et nous sommes dans un déterminisme total

Mais elle peut également être examinée de façon authentique:
- situation 1 : individu dit : " Il ne faut pas faire cela parce que il ne faut pas " = simple opposition de pulsions. Même chose que le rapport entre l'instinct d'agression et l'instinct inhibiteur chez les oies cendrées ( cf Lorenz )
- Situation 2 : Individu qui, face à l'idée d'un désir, examine rationnellement les principes de son action, comment il veut agir, en fonction de quels principes, et compare son désir à cette réflexion. il ne s'agit plus ici de subir la présence de forces sous la forme d'idées de forces, il s'agit de se représenter les idées et de les examiner. Il est possible que la seconde situation se réduise à la première, il est dogmatique de l'affirmer.


Freud refuse la possibilité de sagesse au sens cartésien.  Il n'importe pas pour la sagesse de connaître l'origine de mon désir ou de ma répulsion à le satisfaire, seul importe la réflexion sur les principes selon lesquels je conduis ma vie et la comparaison de mon désir à ces principes. cf sens opposé de l'expression du sens commun: avoir des principes qui signifie réagir affectivement aux comportements " choquants " et le fait d'avoir effectivement des principes, qui peuvent n'impliquer que celui qui se les forge

3) plusieurs sortes de psychanalyse

Toute psychanalyse n’est pas réductrice, ne cherche pas forcément à expliquer un individu, elle peut aussi aider à le comprendre, ou à se comprendre.
C’est toute la différence entre expliquer et comprendre : expliquer consiste à considérer les causes, le fonctionnement. Comprendre, prendre avec, trouver un schéma théorique qui permet d’englober la réalité humaine : dans le cas humain, il s’agit de proposer une interprétation, d’un malaise, d’une modalité d’existence, de permettre à un individu d’avoir accès à sa propre intériorité, et de remplacer la brutalité d’une souffrance par la cohérence d’un discours.

De même toute psychanalyse n'est pas réductrice ou négatrice de la liberté d'un individu. Sartre propose par exemple une psychanalyse existentielle qui laisse sa part à une possible liberté.

 

 

Conclusion

L’hypothèse d’un inconscient dynamique est donc recevable: Elle offre une compréhension à certains phénomènes qui restaient auparavant inaccessible à la pensée, comme le rêve ou la maladie mentale.

La psychanalyse qui en propose l’étude a permis de fonder une thérapeutique.
Cependant le statut de la psychanalyse reste discutable, discipline d’interprétation elle ne se livre pas à la critique du réel à laquelle se confronte les sciences. Irréfutable elle ne peut se déclarer scientifique.

Mais l’étude de l’inconscient peut entraîner un certain nombre de confusions : entre des pulsions et des pensées, entre un moi mécaniquement gestionnaire et un sujet.

Nous ne sommes pas maîtres de tout ce qui advient à notre conscience, cela est certain, en revanche il est possible que nous puissions, par la réflexion, accepter ou rejeter ce qui vient à notre conscience. Nous pouvons par exemple admettre que nous ayons certaines passions ou répulsions, mais qu’il soit de l’ordre de notre réflexion de les examiner.

 

POUR APPROFONDIR :

Vous trouverez sur ce lien une  excellente et très claire introduction à la psychanalyse par Michel HAAR

 

 

https://www.google.fr/#q=michel+haar+introduction+psychanalyse